Situé entre le "Metzgerhof" et la Zone Industrielle de Schweighouse-sur-Moder , le "Clausenhof" se trouve à l’ouest de Haguenau (séparé du "Metzgerhof " par la "Rohgasse" ou « Chemin des Friches » (actuellement Rue Lerchenberg), du ban de Haguenau par la RN62 (Route de Bitche) et de Schweighouse-sur-Moder, par la nouvelle voie de contournement ainsi que par le "Lehmannsweyer" ou "étang Lehmann".
Les deux extraits de cartes cadastrales ci-dessous, dont l'une fut établie en 1900 et l'autre date de l'époque actuelle, démontrent d'une façon précise la situation géographique de ce quartier, depuis 1922 rattaché définitivement à la Ville de Haguenau.
En effet, le "Clausenhof" appartenait auparavant à la Commune de "Schweighausen" et ses habitants (51 personnes au début du siècle) dépendaient et étaient considérés comme citoyens de cette même commune (nous y reviendrons plus loin). Cependant, avant d'entrer dans les détails quant aux différentes raisons, mais aussi, quant aux différentes tractations entre la Commune de "Schweighausen" et la Ville de "Haguenau" qui ont amené le rattachement du "Clausenhof" à cette ville, examinons tout d'abord quelque peu l'historique de ce hameau :
Fondé aux environs de 1164 par Frédéric BARBEROUSSE (empereur germanique), le Clausenhof ne se composait que d'une métairie (ferme) appartenant au vieil hôpital de Haguenau.
Il fut desservi par des Prémontrés (membres d'un ordre de chanoines réguliers) appelés les "weisser Herren" (Messieurs blancs) vu la couleur blanche de leur habit religieux. Ces Prémontrés convertirent le nom d'origine de cette métairie "Propsthof" (ferme du prévôt) en Klausenhof (de nos jours Clausenhof) et ceci après que leur église soit devenue église paroissiale sous le nom de St.Nicolas (Klause, mot allemand qui veut dire ermitage ou encore maison de campagne isolée, donc on peut supposer que l'origine du nom du Klausenhof se trouve dans cette explication).
Les "Weissen Herren" étaient très riches et considérés comme les plus grands propriétaires terriens du pays mais incapables de bien gérer leurs biens, ils les vendirent l'un après l'autre afin de pouvoir subsister. Ils s'appauvrirent de plus en plus et, au début de la guerre de trente ans (guerre religieuse et politique de 1618 à 1648) il ne leur restait pratiquement plus grand chose en biens immobiliers, terres, etc. Et puis, toujours et encore en peine d'argent, ils vendirent en 1630 leur dernière ferme, le Klausenhof, aux patriciens REICHENBERGER (famille de nobles) qui la débaptisèrent en Reichenberger Hof. Cependant, le peuple continuait de l'appeler Klausenhof. Après le 12 mai 1655, date du décès du "stettmeister REICHENBERGER", les archives ne parlent plus de cette ferme Klausenhof: on peut supposer qu'elle fut détruite à la fin de la guerre de trente ans et reconstruite beaucoup plus tard car elle réapparaît en 1715, date à laquelle un Klaus CARLEN vendait un quart du Klausenhof à un Frédéric TRENDEL qui, lui, en avait déjà acheté un quart deux ans auparavant (les archives ne mentionnent rien quant au propriétaire précédent). Toujours est-il que ce Frédéric TRENDEL, son épouse Rosalie ainsi que l'un de leurs descendants, un certain Charles TRENDEL, continuèrent à habiter le Klausenhof.
Néanmoins, dans un document du 7 mars 1747, nous constatons qu'un Michel CARLEN, ainsi que sa soeur Madeleine, veuve de Jean Georges SCHMITT, habitent au Klausenhof. Et puis, en 1777, la propriété passe dans les mains d'un Ignace CARLEN (probablement le fils de Michel ?).
Une croix placée devant la ferme (et encore visible aujourd'hui) porte l'inscription en vieil allemand "Erigée par Ignace CARLEN et sa femme Barbe WALTER en 1777".
A partir de là, plus aucune trace de la ferme, et ceci jusqu'en 1857 lorsqu' une partie de la propriété fut vendue par les héritiers de François-Xavier CARLEN, cultivateur et aubergiste, et de sa femme Catherine LAUGEL du "Metzgerhof-Kleinenhof", au comte Marie-Pierre-Eugène de LUPEL, originaire d'Autrèche (Oise), en garnison à Haguenau comme officier de cavalerie.
Ce nouveau propriétaire était un chasseur fanatique et les cultivateurs des alentours lui reprochèrent d'avoir introduit des lapins de garenne. Il entretenait également une meute de 70 chiens et, dans un parc autour de son habitation, il élevait des sangliers.
Le comte de LUPEL fut arrêté en 1870 par les Allemands vu qu'il ne leur avait pas livré toutes ses armes et, sept ans plus tard, il vendit sa part du Klausenhof à Joseph TRENDEL qui la céda par la suite à son fils Joseph, du même prénom que son père.
Par la suite, d'autres maisons vinrent s'ajouter autour de la ferme et de ce fait, on comptait aux environs de 1910, en ajoutant la maison du garde-barrière, 8 maisons avec une population de 51 personnes. Ci-dessous, quelques détails quant aux habitants de ces 8 foyers :
KUNTZ Charles, né en 1882 (originaire de Engenthal)
Louise, née KOCH en 1887, son épouse (originaire de « Schweighausen-village ») + 2 enfants.
THOMAS Aloïse, né en 1863 (originaire du Klausenhof)
Marie, née SCHMITT en 1866, son épouse (originaire du Klausenhof) + 9 enfants.
HEYER Joseph, veuf, né en 1876 (originaire du Klausenhof)
TRENDEL Charles, né en 1865 (originaire du Klausenhof)
Louise, née MEHL en 1869, son épouse (originaire de Haguenau) MARTZ Mathilde, née en 1886, probablement membre de la famille ou domestique (originaire de Berstheim) + 4 enfants
THOMAS Georges (originaire du Klausenhof)
Madeleine, née FREIS, son épouse (originaire de Eschbach) + 8 enfants
SCHMITT Joseph, né en 1836 (originaire de Klausenhof)
Madeleine, née WEIBEL en 1848, son épouse (originaire de Marxenhouse/Haguenau) + 3 enfants
TRENDEL Joseph, né en 1861 (originaire du Klausenhof)
Julie, née WINLING en 1869, son épouse (originaire de Forstheim) + 7 enfants
KEMPF Pierre, né en 1854 (originaire du Hundshof)
Madeleine, née BRUBECK (ou BROBECK) en 1853, son épouse (originaire du Hundshof) + 2 enfants
En regardant le nombre de leurs enfants, on peut dire que les habitants du Klausenhof (comme d'ailleurs un peu partout à cette époque), étaient assez "créatifs" !!
Toute cette population du Klausenhof dépendait de la Commune de "SCHWEIGHAUSEN" (ancien nom de notre village), ce qui ne leur plaisait guère.
En effet, nous savons que les habitants de ce hameau ont demandé depuis le 18" siècle à être rattachés à cette ville, mais chaque fois sans succès.
Nous savons également qu'une nouvelle tentative en l'an XII de la Révolution Française ( 1803/04) n'a pas abouti non plus, et ceci malgré ravis favorable du Conseil Municipal de Haguenau disant: "la distraction du Reichenberger Hof (autre nom du Clausenhof) de la Commune de Schweighausen est motivée dans le sens que ses habitants faisaient anciennement partie de la paroisse de St. Nicolas, et qu'ils étaient même agréés à la tribu des jardiniers de la ville.
Comme toutes les précédentes, cette tentative échoua, et ce n'est que par un Arrêté du Commissariat Général du 16 Novembre 1922, que les habitants du Clausenhof sont devenus concitoyens de Haguenau et que, par cette distraction de la Commune de Schweighausen, la banlieue de Haguenau a été augmentée de 53 ha.
Ayant consulté les registres résumant les séances des conseils municipaux de Schweighausen et de Haguenau pendant la période allant de 1920 à 1922 (musée de Haguenau et Mairie de Schweighouse-sur-Moder), nous avons appris qu'il n'y avait que peu de concertation (au moins officielle) entre ces deux communes, pour décider du sort de ce hameau qu'est le Clausenhof.
En effet, d'après ces registres, il semble que les conseillers de Schweighausen, autant que ceux de Haguenau, s'étaient forgés une opinion personnelle sur la question, opinion qu'ils défendirent âprement et ceci, jusqu'au moment où, en Novembre 1922, la Préfecture a réglé ce problème tout en rattachant le Clausenhof à la Ville de Haguenau.
Avant d'entrer dans les détails des séances des deux conseils municipaux concernant ce rattachement, rappelons que la Ville de Haguenau était dirigée à l'époque par le Maire Weiss et Schweighouse-sur-Moder par le Maire G. Deiss (élu que le 10 Novembre 1920).
Le secrétariat de la Mairie de Schweighouse-sur-Moder fut assuré jusqu'en Novembre 1920 par MM. Winckel et Pauli, tous les deux instituteurs au village, et à partir de Novembre 1920 par MM. Kirgin et Strub, également enseignants à l'école primaire.
Commune de Schweighouse Réunion du Conseil Municipal du 10 Juillet 1921 :
".... suite à l'information que les habitants du Clausenhof désirent être séparés de la Commune de Schweighouse-sur-Moder et les raisons évoquées par eux (dépendant administrativement de Schweighouse-sur-Moder certes, mais économiquement de Haguenau), la Commune de Schweighouse-sur-Moder n'accepte pas et proteste car raisons non valables.
De ce fait, le conseil s'oppose à céder aux revendications et note que :
1) ce domaine, situé à Haguenau, n'a aucun intérêt pour Schweighouse-sur-Moder (curieux et paradoxal car d'un côté ils n'acceptent pas de céder le hameau et de l'autre côté ils le jugent sans intérêt pour la Commune?!!)
2) l'école, l'église, la poste etc. sont à égale distance entre Schweighouse-sur-Moder et Haguenau.
3) la même route dessert aussi bien Schweighouse-sur-Moder que Haguenau et est reliée à des chemins ruraux.
4) l'alimentation des habitants peut se faire aussi bien à Schweighouse-sur-Moder qu'à Haguenau.
Et enfin, le Conseil constate que, par ce fait, le revenu de la Commune de Schweighouse-sur-Moder se verra réduit, et les charges pour la population augmenteront..."
Réunion du Conseil Municipal du 31 Juillet 1921
"... Le Conseil Municipal, auquel se sont adjoints les "plus imposé". de Schweighouse, a décidé de s'opposer à l'enquête préfectorale du 1er Juillet de la même année ..." (probablement enquête précisant les dispositions de la cession) .
"... cette enquête est déposée pendant 8 jours à la mairie afin de permettre à la population de Schweighouse d'en prendre connaissance..., le conseil demande à la population de Schweighouse de s'opposer à tous les points évoqués par les habitants du Clausenhof:.."
A la suite de nos recherches, nous avons trouvé dans le Recueil des Actes Administratifs de la Préfecture du Bas-Rhin de l' année 1922, l'Arrêté n° 1.18 684/21 concernant « I'incommunalisation » dudit hameau (Commune de Schweighouse-sur-Moder) à la Ville de Haguenau. Ci-dessous, texte de cet Arrêté :
Article premier. - Sont incorporés au ban de la Ville de Haguenau les parcelles ci-après désignées, conformément au plan cadastral et appartenant au ban de la Commune de Schweighausen :
Section 35 - Section 36 - Section 37- Section 38.
Article 2. - Les frais de la nouvelle délimitation résultant du rattachement seront à la charge de la Ville de Haguenau.
Article 3. Le présent Arrêté entrera en vigueur le 1er Janvier 1923 ; il devra être publié dans les conditions d'usage dans les deux communes intéressées.
Article 4. - Le Préfet du Bas-Rhin et le Sous-préfet de Haguenau sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent Arrêté.
Strasbourg, le 16 Novembre 1922
Pour le Commissaire Général et par délégation :
le Directeur de l'Intérieur et de l'Administration Générale : signé: ANTONY "
Tout commentaire est superflu.
Article rédigé par Mrs SEEL Eugène et HUBER Rémy.
Article publié dans les bulletins municipaux 55 de décembre 1996, 56 d'avril 1997 et 57 de juillet 1997