Circuit historique de Schweighouse/Moder  

Cimetière

Monument numéro 1

Nous  allons  vous raconter une histoire rocambolesque qui se déroula sur plusieurs décennies, celle de l'agrandissement du cimetière de Schweighouse. 


Nous commencerons par l’acquisition du terrain:

Nous sommes en l’an mil huit cent trente-et-un, le 26 mars ; faisant suite à l'autorisation de M. le Préfet en date du 8 de ce mois, Monsieur  le  Maire  a  convoqué  le  conseil  municipal  afin  de  délibérer  sur  l'agrandissement  du  cimetière  de  la commune.

Point 1 de la séance du conseil municipal du 26 mars 1831

Depuis très longtemps les responsables civils et ecclésiastiques sentaient la nécessité, soit d'agrandir le cimetière, soit d'en établir un nouveau. L'ancien cimetière n'a pas la moitié de l'étendue qu'il devrait avoir d'après les règlements.
Il avait été établi à une époque où la commune n'avait pas le tiers de la population actuelle. Il arrive assez souvent qu'en creusant de nouvelles fosses, on découvre des cercueils et des cadavres à demi décomposés. Cet état de chose est tellement déplorable que l'impossibilité absolue d'agrandir le cimetière actuel ou d'en établir un nouveau a pu seul empêcher d'y remédier.

Mais actuellement, la commune a payé ses dettes et les produits de la tourbière offrent des ressources inestimables, il devient urgent de faire cesser cet état de choses.

Plusieurs moyens sont proposés. D'abord d'établir un nouveau cimetière hors de la commune. Mais il n'existe point de  terrain  dont on pourrait disposer dans les parties nord ou de l'est, à moins de consacrer à son acquisition une somme très considérable, à laquelle il faudrait ajouter les frais de clôture ce qui occasionnerait une dépense d'au moins 4 à 5 mille francs. Il existe bien un terrain communal sur lequel on pourrait l'établir. Mais d'abord il est trop éloigné, en  second  lieu  il  est  situé  au  sud  de la commune, et enfin une partie du seul chemin qui y conduit est sujet à inondation lors  des  débordements de la rivière,  de  sorte  que  souvent  la  communication  avec  le  cimetière  serait interrompue. 

Il  ne  reste  donc d'autre parti à prendre que de chercher à agrandir l'ancien cimetière. Le seul moyen d'y parvenir est de faire  l'acquisition d'un verger attenant au dit cimetière, et appartenant au Sieur Geoffroi STROHL tanneur et membre du conseil municipal. Des propositions lui sont faites et après beaucoup de pourparlers, il est convenu avec lui ce qui suit : 

1 - Le Sieur Geoffroi STROHL cède à la commune un verger d'environ quinze  ares, qu'il  possède  pour  l'avoir  hérité  de son père. Ce verger est enclos en très grande partie de planches, il touche par le haut à la propriété du dit Geoffroi STROHL et la maison de Georges KLEIN, instituteur, par le bas au jardin potager du Sieur Geoffroi STROHL, d'un côté le verger du Sieur LUCK, de l'autre le cimetière actuel. 

2 - Le  Sieur Geoffroi STROHL se réserve un sentier pour pouvoir aller de sa cour au jardin potager ci-dessus désigné.

3 - Du côté du jardin potager, la limite sera formée par le prolongement en ligne droite du mur de soutènement du cimetière actuel et la propriété de Daniel HORNECKER. 

4 - En échange de la dite propriété, la commune de Schweighouse cède au Sieur Geoffroi STROHL un terrain  d'environ 18 ares situé au canton Haberberg dans le terrain communal dit Waeldel. Cette pièce consiste en environ 5 ares de terre cultivés et loués au Sieur Georges HASENFRATZ pour  un canon annuel de six francs ;  le reste (environ 13 ares) est un terrain inculte et qui n'est d'aucun apport.  Cette pièce est délimitée comme suit : par le haut chemin  et fossé, par le bas le fossé de la route départementale N° 24, d'un côté le Sieur Geoffroi STROHL, et de l'autre le chemin du Haberberg.

5 - La commune accorde en outre au Sieur Geoffroi STROHL pour en jouir à perpétuité, lui et ses ayant-droits, le droit de  diriger  sur sa  propriété l'eau  d'une  source  située sur la propriété communale du Waeldel, canton dit Haberberg à quelques pas du terrain qui lui est cédé du côté sud. Le Sieur Geoffroi et ses ayant-droits pourront user et abuser des dites eaux comme de leur propriété sans néanmoins pouvoir les détourner autrement que pour irriguer le terrain à lui cédé et les prés qu'il possède à côté. Les propriétaires et fermiers des autres terrains environnants  ne pourront d'aucune façon détourner les eaux à leur profit et ne pourront jouir que de celles que M. Geoffroi STROHL leur laissera écouler. 

6 - Le Sieur Geoffroi STROHL s'oblige à placer trois buses ou daleaux, sur le chemin dit Haberberg, un dans le fossé de la route départementale N° 24  et les deux autres dans les fossés et rigoles qui donnent l'écoulement à la sus dite  source  et aux  fossés  environnants. En outre, il s'engage à combler et égaliser le chemin de manière à le rendre parfaitement praticable et viable dans la partie supérieure, vers les fossés du Waeldel et vers la source. 

7 - La commune  s'engage  à payer  au Sieur  Geoffroi  STROHL  au  titre  du  contrat  d'échange qui a été passé la somme de quatre cent cinquante francs, savoir :

Total : 450 fr.


Le Sieur Geoffroi STROHL étant présent, il a été requis de signer les présentes conventions, ce qu'il a fait avec le maire. 

Geoffroi STROHL F. MENIOLLE (maire)"


Point 2 de la même séance

«Le conseil municipal, vu la convention ci-dessus, convaincu qu’on ne pourrait établir un nouveau cimetière  dans  un  endroit  convenable  à  moins  de  faire une dépense de quatre à cinq mille francs, considérant que le verger du Sieur Geoffroy STROHL est situé au nord-est et à l’extrémité de la commune, qu’il touche dans toute sa longueur l’ancien cimetière, qu’il est en très grande partie enclos. Si cette clôture est en mauvais état, elle peut au-moins être à très peu de frais réparée de manière à pouvoir servir pendant quelques années, de sorte que la commune pourra attendre des moments plus favorables pour la refaire et dans tous les cas la reconstruire partiellement.

Considérant d’un autre côté que le terrain cédé en échange a très peu de valeur pour la commune puisqu'il ne rapporte que 6 francs annuellement. Il ne peut gagner quelques valeurs pour le Sieur Geoffroy STROHL qu’en le  nivelant et  qu’en profitant de l’irrigation provenant  de la source, travaux qui coûteraient à la commune plus de 800 francs, qu’elle devrait les faire faire, qu’enfin la commune ne tire aucun profit des eaux de la source et que si quelques propriétaires environnants ont jusqu’à ce jour profité de ses eaux pour irriguer leurs propriétés, ils l’ont fait sans aucun droit et par une simple tolérance.

Le conseil est d’avis que la convention ci-dessus conclue entre le Maire et le Sieur Geoffroy STROHL est avantageuse  pour  la  commune  et  doit  être  acceptée  et  exécutée,  sauf  l’approbation de M. Le Préfet, le Maire ayant posé la question de savoir s’il était nécessaire de faire purger les hypothèques. 

Le conseil municipal, considérant que le verger cédé provient des propriétés du Sieur STROHL l’ayant  hérité de son père, que le dit Sieur STROHL a des enfants majeurs qui sont de bonne solvabilité reconnue,  qu'il  est de notoriété publique, et que sa fortune personnelle est bien plus que suffisante pour répondre  de la succession de sa femme (décédée le 19 mars de cette année), et qu’il possède une valeur mobilière et  immobilière  considérable,  chacun  des  membres  du  conseil  municipal  n’hésiterait pas à acquérir du Sieur STROHL une valeur décuplée de celle du verger cédé sans avoir la moindre crainte au sujet des hypothèques légales, qu’enfin la purge des hypothèques légales occasionnerait à la commune, en pure perte,  une augmentation des frais d’au moins cent francs.

Le conseil  est  d’avis  que la formalité de purger les hypothèques pourra être émise, à condition que les enfants  majeurs  et  les  gendres  du  Sieur  STROHL  interviennent à l’acte d’échange et que tous s’engagent  solidairement  avec  lui  à  produire  l’adhésion  des  enfants  mineurs au fur et à mesure qu’ils atteignent la majorité.  A  ces  conditions,  tous  les  membres  du  conseil  municipal s’engagent solidairement  à garantir  à la commune tous troubles et évictions à raison des hypothèques légales qui pourraient exister sur le verger en question».

En  conséquence  le conseil municipal  accorde un crédit extraordinaire de cinquante francs pour l’objet mentionné à la présente délibération à savoir :

Total 500 francs

Et dans le cas où M. le Préfet jugerait indispensable de faire purger les hypothèques légales, frais de cette formalité s’élevant à environ 100 francs, le crédit sera dans ce cas porté à six cent francs.

La dite somme sera prise sur le produit de la tourbe en 1831.

Ainsi fait et délibéré en conseil municipal les jours, mois et an comme ci-dessus.

Les conseillers présents : TRENDEL, HOELTZEL, WEISSLER, ZIPFEL, OHLMANN, ROTTER, FUCHS et EGE qui ont signé avec le Maire : MENIOLLE."

 

Source : Registre des réunions du conseil municipal. Archives communales de Schweighouse.

Texte : Dominique P., André D.